Homélies et conférences du Père abbé - Dom Damien Debaisieux

18e dimanche ordinaire C

(Luc 12,13-21)

Août 2022 

Frères et sœurs, cet évangile commence par une interpellation, celle d’un homme qui demande à Jésus d’être comme un médiateur dans une question d’héritage avec son frère. Puis, Jésus, en réponse, raconte une parabole, et nous oublions bien vite l’interpellation du départ. Pourtant, elle nous donne deux éléments importants pour comprendre cette parabole.

Saints Pierre et Paul

(Mt 16,13-19)

2022

 

Frères et sœurs, Pierre et Paul sont les colonnes de l’Eglise. Il y aurait certes beaucoup de choses à dire sur ces deux apôtres, mais à partir des lectures d’aujourd’hui, j’aimerais mettre en valeur trois dimensions qui portent encore l’Eglise d’aujourd’hui.

Notre Eglise, notre communauté, notre vie, sont bâties, soutenues, par la foi. Jésus dit de Simon-Pierre qu’il est « heureux » (16) et qu’il est  P/pierre sur laquelle il bâtira son Eglise (18), parce qu’il a reconnu en Jésus « Le Christ, le Fils du Dieu vivant » (17). Pierre dit ainsi que Jésus est celui que Dieu nous a promis, c’est-à-dire celui qui nous fait entrer dans la vie véritable. Il croit en la promesse et nous invite à y croire nous aussi, à bâtir nos vies et notre Eglise, notre communauté, sur cette promesse. Ne pas porter sur le monde le regard de « la chair et du sang » (17), mais se laisser saisir, habiter, par celui de Dieu, celui que Dieu veut mettre en nous, celui que Dieu nous invite à entendre, à chercher, à laisser jaillir du cœur de notre silence. Les réponses que donnent les gens à la question de l’identité de Jésus s’arrêtent au connu, au déjà vu, au passé ; à ce que nous maîtrisons. Celle de Pierre s’ouvre à la nouveauté, à la vie et ne peut alors s’appuyer que sur la foi, la confiance. Si nous construisons nos vies, notre Eglise, notre communauté, sur la force, nous ne pourrons pas en faire jaillir la vie dont elles ont besoin pour poursuivre, jour après jour, le chemin. Pierre, au soir du dernier repas, promettra de ne pas tomber, et il finira pas renier. Pourtant, c’est à lui, encore aujourd’hui, que sont confiés « les clés du royaume des Cieux » (19). Et cet honneur, ce service, il le tient non de sa force, mais de sa foi : la foi en l’amour de Dieu pour lui, pour nous ; amour qu’il a découvert lorsque Jésus le regarda alors même qu’il le reniait, en Luc, ou encore en Jean, au bord du lac, quand, par trois fois, Jésus lui demanda s’il l’aimait, et lui confia, par trois fois, ses brebis.

Et Paul ne nous dira pas autre chose, lui qui a été choisi alors même qu’il persécutait l’Eglise. Le Christ, là encore avec une question – « Pourquoi me persécutes-tu ? » (Ac 9,4) – lui révèle son identité et lui indique un chemin nouveau. C’est au cœur même de sa haine et de sa violence, au centre de ses certitudes qui l’aveuglaient, que Paul découvre un Dieu tout autre qui dépasse tout ce qu’il croyait savoir, qui dépasse la force qu’il croyait avoir acquise. Sur son chemin de Damas, il lui est révélé que Jésus est le Christ, le fils du Dieu vivant, et que ce Christ, ce Dieu, se fait si proche de nous qu’il s’identifie à chacun, à commencer par les persécutés, les blessés de la vie. Désormais ce n’est plus dans sa force que Paul mettra sa confiance, mais dans sa faiblesse, ce lieu où la grâce peut enfin agir.

Pierre et Paul, colonnes de l’Eglise, parce qu’ils ont appris, dans leur chair, que Dieu les aime et qu’il faut apprendre à laisser de la place à cet amour pour entrer dans la vie. Et c’est ici le deuxième point. Ils sont colonnes parce qu’ils se sont laissés configurés au Christ. Dans la première lecture, Pierre, comme Jésus, est arrêté pour être jugé. Et lui aussi sort de prison comme le Crucifié est arraché au tombeau. Paul, comme Jésus, a « mené le bon combat [et] achevé sa course » (2 Tm 4,7) ; et lui aussi a été abandonné par tous, mais « le Seigneur […] l’a assisté » (17), comme le Père n’a pas abandonné à la mort son Messie. Par cette configuration, l’un et l’autre nous montrent que l’Evangile, la Bonne Nouvelle, n’est pas vérité sur Dieu, mais puissance de Dieu, puissance qui peut transformer chacun d’entre nous si nous acceptons l’humble chemin du quotidien à la suite de Celui qui nous a appelés.

Enfin, Pierre et Paul sont colonnes de l’Eglise, parce qu’ils sont frères. Frères différents, mais frères d’une seule et même Eglise. Pierre, lorsqu’il promet de ne pas renier, s’isole de ses frères : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, dit-il, moi, je ne tomberai jamais. » (Mt 26,33). Dans sa chute qui suivra il est remis à sa place avec les autres, et découvre, comme le dit Christian de Chergé, qu’« on ne saurait se sauver seul, sous peine de se perdre. » Paul, dans sa même chute sur la route de Damas, découvre que se convertir au Ressuscité, c’est se convertir à chacun de ceux dont il a fait ses frères. Et, nous le savons, marcher à la suite de Jésus, c’est marcher avec Pierre, Paul, Jean, Jacques et les autres. C’est parce qu’ils se savent pécheurs, et pécheurs pardonnés, qu’ils sont les colonnes de l’Eglise, ceux qui sont capables d’annoncer à leurs frères et de vivre avec eux, ce même amour qui les a remis en route.

Ce matin, frères et sœurs, nous sommes invités à la foi qui donne à l’Esprit du Père de nous configurer à son Fils pour faire de nous des frères. Que ce pain et ce vin que nous allons partager à la même table soient notre nourriture pour marcher ensemble en Eglise du Christ, en communauté du Christ.

 

4e dimanche de Pâques C

(Jn 10,27-30)

Mai 2022

Frères et sœurs, dimanche dernier nous avons entendu par trois fois Jésus demander à Simon Pierre : « M’aimes-tu ? » (Jn 21,15). Et parce que Pierre lui répondait par l’affirmative, Jésus ajoutait : « Sois le pasteur de mes brebis » (16). Eh bien ce matin, Jésus nous dit qui sont ces brebis qu’il confie à Pierre. Il nous dit quels liens il existe entre elles et Lui, entre elles et son Père, et finalement entre Lui et son Père.

Pentecôte

(Jn 14, 15-16.23b-26)

                                                                 Juin 2022

Frères et Sœurs, depuis plusieurs jours les textes de la liturgie font référence à l’Esprit Saint et nous ont ainsi préparés à cette fête de la Pentecôte. Un extrait a retenu mon attention. Dans les Actes des Apôtres, au chapitre 19, nous apprenons que Paul « arrive à Ephèse où il trouva quelques disciples. Il leur demanda : ‘Lorsque vous êtes devenus croyants, avez-vous reçu l’Esprit Saint ?’ Ils lui répondirent :’Nous n’avons même pas entendu dire qu’il y a un Esprit Saint. » (2). Si je retiens ce texte, c’est pour nous poser la même question. Lorsque nous sommes devenus croyants, avons-nous reçu l’Esprit Saint ? Alors d’emblée, évidemment, oui. Nous avons été baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Et de plus, nous avons été confirmés dans l’Esprit Saint. Oui, nous l’avons reçu, mais est-il à l’œuvre en nous et avec nous ? Est-ce que nous l’invoquons ? Est-ce que nous reconnaissons sa présence dans notre vie, dans notre communauté, dans notre monde ?

Vigiles Pascales 2022

(Luc 24, 1-12)

Avril 2022

Homélie

Frères et Sœurs, lorsque nous parlons de résurrection, nous pensons souvent « vie après la mort ». Pourtant, dans la tradition juive, dans ces milieux où ont été écrit ces récits du matin de Pâques, ce n’est pas cette question qui est première. Ce qui interroge la foi d’Israël, c’est le sort de l’innocent, le devenir du juste, et plus précisément du juste persécuté et apparemment abandonné par Dieu. C’est toute la question de l’injustice, et donc du mal, de son triomphe apparent, et de son corolaire, la mort. C’est ce cri qui ne cesse de retentir dans les psaumes, notamment ceux que nous avons chantés en ce Vendredi Saint. Et cette semaine, nous avons entendu dans les récits de la Passion, combien Jésus est présenté comme l’innocent et le juste. C’est donc bien cette question qui est en jeu ici et, quand les femmes entendent les anges leur annoncer que « le Vivant […] est ressuscité » (5-6), elles comprennent que Dieu n’a pas abandonné le juste, et que c’est bien lui, Dieu, et non la mort, qui est le maître, le défenseur, le dernier mot de nos vies, son mot, son Verbe éternel.

Homélie funérailles de Père Omer De Ruyver

(Jn 14,1-11)

16 mai 2022

 

Frères et Sœurs, les premiers mots de cet évangile - « A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père » - nous redisent que la vie est un passage. Non pas d’abord un passage qui en dirait la brièveté, ‘un petit tour et puis s’en va’. Mais un passage du monde au Père, un passage d’un état, d’une façon d’être, à un autre état, une autre façon d’être. Et ce passage, là encore, ce n’est pas seulement celui de la mort, celui que Père Omer a vécu mercredi soir quand son cœur fatigué a décidé d’en rester là. Non, ce passage, ce n’est pas seulement celui où le corps s’arrête. C’est toute la vie qui est passage, toute notre existence qui nous invite, nous attire à passer, changer, évoluer, consentir à se laisser transformer. Sans cesse, nous sommes invités à passer de notre moi, de nos intérêts, de nos préoccupations à plus grand que nous, plus ouvert, plus vivant.

Jeudi saint

(Jn 13,1-15)

Avril 2022

Frères et sœurs, l’été dernier, un groupe d’une vingtaine de scouts était venu à la messe. Au moment de la consécration, ces jeunes sont restés assis. J’avoue avoir été tenté de leur faire un signe pour qu’ils se lèvent, mais je n’ai pas osé, de peur d’être rabat-joie. Pourtant, ce n’était pas un geste de politesse ou de respect que je voulais leur indiquer. Non, je voulais leur faire comprendre qu’il se passait quelque chose, quelque chose qui est plus grand que nous, qui vaut la peine que l’on se mette debout comme pour s’en rapprocher et y prendre part. Leur faire deviner notre reconnaissance, notre joie de pouvoir être là parce que quelque chose est à l’œuvre, parce que quelqu’un est présent, qui agit.